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Pourquoi parle-ton d’aliments cancérigènes ? Redoutée et hélas souvent redoutable, le cancer est une maladie causée par un dysfonctionnement des cellules qui, du fait d’une mutation anormale des gènes, se développent et prolifèrent de façon incontrôlée ; les cellules n’obéissent plus aux directives qui leur sont données par les gènes, par exemple cesser de se multiplier ou mourir ; elles ne sont alors plus régulées et envahissent les tissus et les organes. Elles forment ce qu’on appelle une tumeur. Les cancers sont donc en quelque sorte des maladies génétiques.
Parmi les facteurs de risque du cancer, il y a l’alimentation. Des aliments préviendraient le cancer quand d’autres le favoriseraient. Comment cela fonctionne-t-il ? Et que signifie exactement un aliment cancérigène ?
Plein de choses sont couramment présentées comme cancérigènes : tabac, alcool, amiante, produits chimiques, UV, agents infectieux, certains aliments, etc. S’y exposer augmenterait le risque d’avoir un cancer. Mais pourquoi ? Quel rapport entre la charcuterie et la prolifération cellulaire ?
La mitose, c’est-à-dire la duplication cellulaire, est un processus normal et continuel. En permanence meurent des cellules qui doivent être remplacées. Rien n’est dû au hasard dans ce processus de régulation qui maintient l’équilibre entre le nombre de cellules qui meurent et celui des nouvelles cellules produites. Des mécanismes existent qui surveillent que ce processus se déroule correctement. Tout d’abord, une cellule est censée se diviser quand elle reçoit le signal de le faire et cesser de le faire quand elle reçoit le signal contraire. Et de toute façon, même à supposer qu’elle n’en reçoive pas l’ordre, faute de place autour elle cessera sa division.
Quand une cellule se divise, elle fait une copie de son ADN pour que chacune des cellules filles ait le bon nombre de chromosomes. Cette opération raccourcit légèrement leurs extrémités, les télomères. Quand ceux-ci sont trop raccourcis, au bout d’environ cinquante divisions successives, la cellule ne peut plus fonctionner et meurt – la limite de Hayflick. D’autres mécanismes s’assurent que la duplication de l’ADN est sans défaut dans les cellules filles et, le cas échéant, les réparent. Si ces réparations échouent, il existe un mécanisme qui pousse les cellules défaillantes à se suicider – on dit qu’elles meurent par apoptose. On estime à 60 milliards le nombre de cellules qui, tous les jours, se suicident parce qu’elles ne fonctionnent pas correctement.
Tant que la cellule suit les instructions des gènes qui commandent son développement, son fonctionnement, sa division et sa mort, elle ne risque pas de se diviser de façon incontrôlée, de créer une tumeur et, peut-être, de causer un cancer. Malheureusement, les agressions que subit l’ADN de chaque cellule – à hauteur de 10000 par jour – laissent parfois s’échapper une mutation qui ensuite peut atteindre et modifier la structure d’un gène contrôlant la multiplication cellulaire. Il n’importe pas ici d’expliquer tout le processus qui, partant d’une première mutation, mène après plusieurs mutations à une cellule cancéreuse. On retiendra juste que des cellules forment une tumeur lorsqu’elles échappent totalement aux mécanismes de contrôle et de régulation des gènes. Et on précisera que cette tumeur est dite maligne dès lors que des vaisseaux sanguins l’alimentent en nutriments et oxygène et lui permettent de proliférer, voire de métastaser dans d’autres tissus et organes.
Les cancers ont tous un profil génétique différent, qui dépend du type et de la localisation des gènes altérés, selon l’agression subie par l’ADN. Le tabac, connu pour modifier l’expression de 7000 gènes, ne favorise pas les mêmes cancers que les rayons UV ou l’excès de sel.
Parler d’aliments cancérigènes sans plus de précision est susceptible d’induire en erreur. En effet, le classement établi par le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) des agents cancérigènes indique le niveau de certitude et non l’ampleur du risque. Il suffit qu’une relation positive soit avérée entre l’exposition à un agent et la survenue de cancers pour que cet agent soit considéré comme cancérigène, quand bien même l’augmentation du risque serait minime. Que la viande transformée et le tabac se retrouvent tous deux dans le groupe 1 des agents cancérigènes ne signifie bien entendu pas que consommer des saucisses de Frankfort soit aussi dangereux que de fumer des cigarettes.
Avant d’énumérer les aliments dont l’incidence sur le développement des cancers est certaine sinon bien possible, il semble important de rappeler que, pour la prévention des cancers, l’alimentation doit faire l’objet d’une approche globale. Bien s’alimenter, ce n’est pas seulement ne pas manger trop gras, trop sucré ou trop salé ; c’est aussi ne pas grignoter, varier son alimentation, manger des fruits et des légumes, manger léger le soir, etc. Une alimentation saine et équilibrée reste encore le meilleur moyen de conjurer le surpoids ou l’obésité, dont pour le coup la corrélation avec plusieurs cancers est avérée (colon, utérus, rein, foie, œsophage, thyroïde, vésicule biliaire).
La toxicité de l’alcool dépend beaucoup de la quantité ingérée et de la fréquence de consommation. A faible dose, l’alcool est sans danger. En revanche, quand sa consommation est soutenue ou excessive, l’organisme a plus de mal à dégrader l’acétaldéhyde, métabolite de l’éthanol, en acide acétique, qui se retrouve en plus grande quantité dans le sang et qui va endommager le foie, la bouche, le larynx, le pharynx, l’œsophage, le côlon, le rectum ou le sein. L’acétaldéhyde peut finir par altérer les gènes des enzymes censés la dégrader et provoquer à terme une cirrhose.
Si les études concluent toutes à une augmentation certaine du risque de cancer colorectal pour les grands consommateurs de charcuteries, ce risque est considéré comme seulement probable pour la viande rouge. Les agents cancérigènes mis en cause sont au nombre de deux : le fer héminique contenu dans la viande rouge et les nitrites, un conservateur utilisé dans la fabrication de charcuterie (sous forme de nitrate de potassium ou de sodium). C’est lors de la digestion qu’il se produit une réaction chimique entre le fer héminique et les nitrites, à laquelle s’ensuite la formation de composés N-nitrosés (ou nitrosamines) néfastes à la paroi gastrique et à l’estomac. Et, de façon plus générale, l’excès de sel favorise la prolifération d’une bactérie, Helicobacter pylori, responsable de 80% des cancers de l’estomac. La viande rouge et les viandes transformées peuvent également provoquer d’autres maladies telles que la goutte.
Les aliments contenant de l’amidon et des glucides cuits par friture forment une substance toxique, l’acrylamide, qui entraînerait une mutation génétique des cellules impliquée dans plusieurs cancers. L’acrylamide se retrouve aussi dans le pain blanc. Toutefois, il n’y a pas encore de certitude concernant l’homme (au contraire de l’animal), au vu notamment des faibles doses auxquels il est exposé.
Des études, souvent contredites, ont souligné l’impact des macronutriments dans le développement des cancers : glucides et lipides au premier rang. Si rien n’a permis de prouver qu’ils altéraient l’expression de certains gènes, qu’ils fournissent de l’énergie aux cellules cancéreuses a souvent été pointé du doigt. Le lien entre le stockage des lipides et la formation de métastases a par exemple été proposé par l’Institut de recherche expérimentale et clinque de l’UCLouvain[1]. Quoi qu’il en soit, l’excès de graisses augmente à coup sûr le risque de développer un cancer du sein, du côlon, de l’utérus ou de la prostate.
Pour finir, rassurons-nous : la cancérogénicité des aliments est sans commune mesure avec le tabac et même la pollution de l’air. S’il faut faire attention à son alimentation, ce n’est pas seulement en évitant les aliments qui, consommés en excès, sont cancérigènes ; c’est surtout et fondamentalement en privilégiant les aliments fournissant les micronutriments essentiels à l’organisme et à la santé : les vitamines (A, B, C, D), les minéraux et oligo-éléments (fer, magnésium, sodium, potassium, calcium, phosphore, et chlore, zinc, fluor, cuivre, manganèse), les acides gras essentiels (oméga 3 et oméga 6) et les acides aminés.
[1] https://dailyscience.be/24/01/2020/les-lipides-sont-ils-responsables-de-lagressivite-des-cancers/#:~:text=Olivier%20Feron%20et%20son%20%C3%A9quipe,caract%C3%A8re%20agressif%20des%20cellules%20canc%C3%A9reuses.
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