Un peu d’histoire sur les nootropiques
Construit au début des années 70 à partir du grec ancien nóos (« psyché, esprit ») et tropein (« tourner, diriger vers ») par le chimiste et psychologue roumain Corneliu R. Giurgea pour parler de la molécule qu’il a synthétisée et qui a été commercialisée sous le nom de Nootropyl, le terme nootropique recouvre toutes les molécules censées améliorer les capacités cognitives et faciliter l’apprentissage. Giurgea tenait à les distinguer des psychotropes fréquemment consommés à l’époque et en passe d’être interdits, à l’exemple des amphétamines : un nootropique ne devait être ni toxique, ni avoir d’effets secondaires importants, ni créer une dépendance.
La molécule active du Nootropyl est le piracétam. Pour la petite histoire, Giurgea cherchait, dans la synthèse de composés chimiques, un médicament pour provoquer le sommeil, et ce qu’il composa avait exactement l’effet inverse puisqu’il mettait l’esprit en alerte. Son action sur le cerveau n’a pas été découverte tout de suite mais rapidement Giurgea s’est aperçu que son médicament augmentait l’afflux sanguin vers certaines zones du cerveau, améliorant de fait son oxygénation. Toutefois, son action ne se limite pas à cela.
Certains neurotransmetteurs, l’acétylcholine, le glutamate et le GABA (acide gamma aminobutyrique) sont activés lorsqu’ils sont exposés au piracétam, agissant de façon bénéfique sur les fonctions cognitives, notamment la mémoire. A partir des années 70, son administration a été étendue au traitement de nombreuses maladies neurodégénératives, au premier rang desquelles la maladie d’Alzheimer, qui se manifeste par une baisse de la production d’acétylcholine. Les patients atteints de schizophrénie ont montré de meilleures capacités cognitives après un traitement par le piracétam ; chez les enfants autistes aussi.
Un nootropique, comment ça fonctionne ?
Outre que les nootropiques devaient se démarquer des psychotropes par leur très faible toxicité et effets secondaires, Giurgea a précisé les caractéristiques des nootropiques qui doivent soit :
- Améliorer la mémoire et faciliter l’apprentissage.
- Mieux protéger les souvenirs contre tout ce qui est susceptible de les perturber (choc électro-convulsif, hypoxie, maladies neurodégénératives, etc.).
- Protéger le cerveau contre les agressions physiques ou chimiques (les barbituriques, la scopalamine par exemple).
- Augmenter l’efficacité des mécanismes de contrôles sensori-moteurs du cortex.
- Faciliter la transmission d’informations entre les cellules nerveuses.
Giurgea avait bon espoir que les nootropiques accélèrent la longue évolution de l’être humain, lui qui a écrit « L’homme n’attendra pas passivement des millions d’années que l’évolution lui offre un meilleur cerveau. » Quoique le terme nootropique ne soit pas encore rentré dans le langage courant, les nootropiques se sont répandus et diversifiés : plantes, médicaments, compléments alimentaires mais aussi thé, café, et même nicotine, qui sont des substances nootropiques.
Aussi variés que soient les produits aux vertus nootropes, ils ont tous comme point commun d’être des stimulants cérébraux et d’optimiser les fonctions cognitives, quelque mode d’action qu’ils présentent. L’action de la caféine est différente de celle d’un inhibiteur à acétylcholinestérase, mais les deux agissent sur des neurotransmetteurs de la cellule nerveuse. N’en déduisons pas que tous les nootropiques ont pour cible les neurotransmetteurs, soit par ajout, soit par activation, soit par inhibition, soit en étant des précurseurs aux neurotransmetteurs. Nombreux sont de ce type mais d’autres sont des antioxydants (neuroprotecteurs) ou des vasodilatateurs (augmentation du débit sanguin) – sachant qu’un même nootropique peut conjuguer plusieurs de ces modes d’action.
A quel moment consommer des nootropiques ?
Il existe bien trop de nootropiques pour les examiner tous, mais voyons pour quelles raisons ils sont d’habitude consommés.
L’éveil et l’attention. Bien avant que Giurgea ne synthétise le piracétam qui ouvrira la voie à de nouvelles molécules – ou synergies entre molécules – nootropiques, tous les peuples ont eu recours à des boissons dont les effets sur le cerveau sont indéniables : café, thé, ou maté contiennent tous de la caféine, alcaloïde antagoniste de l’adénosine (dont normalement la fixation sur les récepteurs de neurones dopaminergiques cause l’endormissement) qui augmente le taux de dopamine et d’adrénaline, ce qui explique l’augmentation du rythme cardiaque. La plupart des nootropiques stimulants sont toutefois classés comme stupéfiants et uniquement disponibles sur ordonnance en raison de l’accoutumance qu’ils induisent et de leurs effets secondaires (maux de tête, agressivité, troubles du sommeil).
L’apprentissage et la mémoire. A l’instar du piracétam, dont les bons résultats contre les troubles mnésiques ont été découverts après coup, les nootropiques améliorant la mémoire exercent tous une action sur les neurotransmetteurs, qu’il s’agisse de la mémoire à court terme (l’apprentissage) ou à long terme (retardant la neurodégénérescence). La nicotine est le plus connu d’entre eux, qui agit comme agoniste des récepteurs nicotiniques des neurones cholinergiques et dopaminergiques, lesquels jouent un rôle dans la concentration et la mémoire à court terme. Des études scientifiques en ont même conclu que les fumeurs ont moins de risque d’être touchés par les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson (mais ils sont sujets à plein d’autres maladies). Pour des traitements au long cours, les nootropiques les plus efficaces associent souvent des polyphénols et flavonoïdes, antioxydants et vasodilatateurs (le gingko biloba par exemple, adopté depuis une vingtaine d’années pour lutter contre le déclin cognitif), avec des inhibiteurs réversibles de l’acétylcholinestérase (notamment l’huperzine A contenu dans la plante Huperzia serrata).
Sommeil. La piètre qualité du sommeil induite par les somnifères et leur danger sur le cerveau à long terme (ils augmenteraient le risque de démence et, au moins pour le zolpidem, la maladie de Parkinson) ont encouragé la prise de nootropiques, associés à une hygiène de vie moins stressante. Mélatonine, magnésium ou L-Théanine (comme d’autres substances stimulant la production du neurotransmetteur inhibiteur GABA, à l’instar du Phénibut) exercent une action bénéfique sur le sommeil.
On pourrait continuer ainsi sur les nootropiques pris pour lutter contre le stress ou parler de ceux qui agissent directement sur les précurseurs de certains neurotransmetteurs (la L-Dopa, précurseur de la dopamine ou 5-HTP, précurseur de la sérotonine et de la mélanine), mais ce qu’il faut bien noter, c’est que les nootropiques ne sont plus associés à la seule augmentation des capacités cognitives – et promus par les transhumanistes – mais englobent maintenant toutes les molécules qui ont une action neuroprotectrice (qu’ils soient antioxydants et luttent contre les radicaux libres, qu’ils améliorent la neurotransmission entre cellules nerveuses et aident à leur entretien ou qu’ils augmentent la circulation sanguine dans le cerveau).
Produit associé :
– Complément alimentaire pour la mémoire