La neuroprotection

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La neuroprotection


Ce contre quoi les neurones ont besoin d’être protégés, c’est avant tout de leur propre mort. Comme la plupart des cellules, les neurones peuvent mourir de plusieurs façons : par apoptose, nécrose ou autophagie. La mort de cellules nerveuses n’est pas en soi un problème. Au cours d’une vie chacun en perd des centaines de millions sans que cela n’affecte ses fonctions cognitives. Cependant elle peut, dans certaines situations comme le manque de sommeil, l’anxiété ou encore la ménopause, augmenter le risque de déclin cognitif. D’où l’importance de la neuroprotection dans le bon vieillissement du cerveau.


La mort par apoptose

Elle correspond à une mort cellulaire programmée (ou suicide cellulaire). C’est un processus indispensable au développement de l’organisme puisqu’elle participe à la morphogénèse (autrement dit à la forme des organes, éliminant par exemple la peau entre chaque doigt) mais elle permet aussi, au niveau cérébral, d’éliminer les neurones ayant commis des erreurs de connexions synaptiques ou présentant des dommages irréparables de leur ADN. Bien entendu tout ne se passe pas toujours comme prévu : parfois des cellules meurent par apoptose alors qu’elles ne le devraient pas (les lymphocytes dans le cas d’une infection au VIH) ; parfois des cellules ne meurent pas alors qu’il le faudrait (les cellules cancéreuses).


La mort par nécrose

La nécrose est produite par un traumatisme aigu, chimique ou mécanique. La cellule gonfle puis se détruit (l’autodigestion de la cellule est appelée « lyse ») et son contenu se disperse dans le milieu extracellulaire. Cette dispersion provoque généralement une réaction d’inflammation et inflige un traumatisme secondaire au tissu environnant.


L’autophagie

Sous bien des aspects, elle ressemble à l’apoptose – notamment dans la mort cellulaire programmée lors de la morphogénèse. L’autophagie est un mécanisme permettant la dégradation et le recyclage par les lysosomes des complexes protéiques et des organites (par exemple les mitochondries ou le réticulum endoplasmique) non fonctionnels. Son rôle dans le maintien de l’homéostasie est central ; son rôle contre le vieillissement cellulaire aussi. Elle n’implique donc pas nécessairement la mort cellulaire, comme c’est le cas pour l’apoptose. Dans de nombreuses circonstances, l’autophagie est d’ailleurs un mécanisme cytoprotecteur qui permet de dégrader des agrégats amyloïdes, caractéristiques de nombreuses maladies neurodégénératives ; en cas de dysfonctionnement, on assiste à la mort des cellules nerveuses par nécrose. Lors d’une ischémie cérébrale (provoquée par un caillot de sang qui bloque ou réduit l’afflux sanguin dans le cerveau), les cellules nerveuses sont en état de stress et le processus autophagique est activé ; malgré des avis divergents, les études plaident en faveur d’une action protectrice. Son action serait en revanche délétère en cas d’insuffisance cardiaque chronique.


La compréhension des mécanismes déclenchés par l’autophagie et son rapport avec la mort cellulaire dans les différentes pathologies touchant le cerveau et affectant les fonctions cognitives devraient permettre d’apporter de nouvelles stratégies de neuroprotection. L’avantage de l’approche neuroprotectrice sur les traitements symptomatiques est indéniable, puisqu’en arrêtant le processus de mort cellulaire dès l’apparition des symptômes, on réduit les risques de handicaps sévères.


Mais comment fonctionne concrètement la neuroprotection ?


Concept

Le concept de neuroprotection est apparu avec l’idée qu’il était possible de protéger le cerveau par des moyens pharmacologiques lors d’un accident ischémique. C’est ainsi qu’elle a été définie par Ginsberg, « comme toute stratégie, ou combinaison de stratégies, qui inhibe, interrompt ou ralentit les événements délétères cellulaires ou moléculaires qui, laissés incontrôlés, pourraient conduire à des lésions ischémiques irréversibles. » Si depuis la définition a été étendue à d’autres maladies, au premier chef aux maladies neurodégénératives, ce n’est pas à cause de l’échec clinique de ces stratégies contre l’ischémie et les AVC, mais surtout parce que la recherche de molécules neuroprotectrices s’est considérablement élargie et recouvre désormais tout un ensemble de pathologies (sclérose en plaques, épilepsie, dépression, schizophrénie, etc.).


Ce développement s’est principalement fait par l’examen d’agents pharmacologiques capables de moduler les mécanismes étiopathogéniques (les mécanismes causals de la maladie) ou physiopathologiques (les troubles fonctionnels causés par la maladie). Des centaines de molécules ont été mises au point et leur efficacité démontrée sur des cultures de neurones animaux.


Neuroprotection et recherche

La difficulté à laquelle se heurte la neuroprotection, c’est de valider cliniquement ses modèles précliniques. S’il est aisé de prouver qu’une molécule agit sur un symptôme et modifie le cours de la maladie, il l’est beaucoup moins de montrer qu’elle peut empêcher l’apparition de ladite maladie. La clinique reste symptomatologique et non préventive. De nombreuses molécules à visée neuroprotectrice ont été identifiées, certaines ont montré leur efficience in vivo, mais aucune n’a vu son développement aboutir à un enregistrement comme médicament. La question pourrait alors se poser de savoir s’il faut privilégier la recherche d’agents neuroprotecteurs s’opposant aux mécanismes physiopathologiques des maladies neurologiques ou le développement de traitements symptomatiques.


Ce n’est pas parce que la neuroprotection est difficilement identifiable au niveau clinique par la technique de détection actuelle qu’il ne faut pas investir dans la recherche. La place de la neuroprotection dans la recherche d’outils thérapeutiques est tout à fait d’actualité, tant dans la compréhension des pathologies du système nerveux que dans le développement de nouvelles thérapeutiques. Et force est de constater qu’elle porte ses fruits. Pour lutter contre la dégénérescence ou la mort neuronale, que ce soit par nécrose ou par autophagie, ou à l’inverse pour empêcher que des protéines – par exemple l’α-synucléine dans la maladie de Parkinson – s’agrègent et échappent au processus d’autophagie, la neuroprotection représente l’avenir. En effet, de toutes les maladies neurodégénératives, il est plus simple d’y échapper que d’en guérir.


Un exemple parmi d’autres : les dernières recherchent suggèrent qu’un groupe de composés phytochimiques issus de notre alimentation, les polyphénols, seraient en mesure de ralentir le vieillissement neuronal et d’améliorer les fonctions cognitives. En plus d’être réputés pour leur action antioxydante, les polyphénols exercent leur action protectrice en défendant les neurones contre les dommages induits par les neurotoxines et en supprimant la neuro-inflammation. Les polyphénols moduleraient l’expression des facteurs neurotrophiques et des protéines cytoprotectrices (d’où découle l’efficacité des processus autophagiques).



De toute évidence, la neuroprotection est impérative dans la prévention des pathologies liées à la dégénérescence et à la mort des neurones.

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